Plusieurs raisons d’affaires peuvent inciter une compagnie à envisager une fusion ou acquisition d’entreprise.

On peut penser par exemple à l’ajout d’une famille de produits complémentaires à sa gamme existante, ou une entrée dans un nouveau marché géographique, ou l’acquisition de technologies transformatrices, ou encore la volonté d’être consolidateur dans un secteur de marché. Dans la majorité des cas, il y a, à la base, un argument de croissance de performance et de revenus qu’on souhaite réaliser, voire une nouvelle proposition de valeur qu’on souhaite développer.

Pourtant, dans un sondage effectué par McKinsey*, un tiers des firmes qui ont complété une fusion ou acquisition n’ont pas réussi à réaliser leurs cibles de performance et de croissance de revenus.

Pourquoi ? Assurément, les deux parties à la transaction se sont mobilisées pour ficeler la meilleure entente possible pour leurs actionnaires et parties prenantes. Les conseils d’administration ont scruté la valeur de la transaction et la stratégie sur laquelle elle s’appuie. On a fait appel à des conseillers financiers, juridiques et fiscaux. Des efforts ont été déployés pour développer des scénarios d’intégration; on a mis sur la table l’éventail de produits et services et les listes de clients et territoires servis; on a analysé les structures organisationnelles; on a évalué la compatibilité des équipements, des installations et des systèmes informatiques. Bref, on a couvert tout ce qui est de l’ordre du chiffrable, du quantifiable et du concret.

  • Mais qu’en est-il de ce qui ne figure pas sur les chiffriers ou les organigrammes ?
  • Qu’en est-il de la valeur ou la notoriété des marques d’entreprises ou des portefeuilles de marques ?
  • Ne sont-elles pas les sources principales de revenus ?
  • Ne faut-il pas évaluer ces marques et au besoin les réaligner à la vision de croissance sur laquelle repose la transaction si on veut propulser l’organisation vers de nouveaux sommets ?

Bien souvent, dans l’empressement à régler les aspects plus tangibles de la transaction, les enjeux liés à la marque sont négligés ou encore on s’y attarde plutôt tard dans le processus. Pourtant, s’ils ne sont pas pris en compte assez tôt, ces enjeux importants peuvent faire obstacle à la réalisation de tout le potentiel de croissance de revenus de la transaction. Toujours selon McKinsey, pour la moitié des entreprises qui mettent sur pied des comités d’intégration, après une fusion ou une acquisition, il y a un manque critique de réflexion sur la stratégie de marque et de ventes. Alors, pourquoi ne pas amorcer cette réflexion sur la stratégie de marques au sein du comité d’intégration, quand on sait que la marque et ses attributs influencent non seulement la performance financière mais aussi la mobilisation des employés ?

Chez BrandBourg, nous avons travaillé étroitement avec plusieurs clients qui ont choisi de réaliser une fusion ou une acquisition d’entreprise transformatrice dans différents secteurs d’activités. Notre expérience nous a permis de déterminer et d’influencer les conditions et les facteurs de réussite pour faire évoluer leurs marques dans des contextes bien différents.

Prendre le temps de bien faire les choses

La marque d’entreprise est typiquement l’actif le plus durable, mais également le plus fragile, de l’entreprise. Les décisions prises à son égard demandent à la fois une réflexion globale et une analyse détaillée, qui mèneront à la création et à la planification du lancement et de la mise en œuvre de la marque renouvelée.

L’équipe d’intégration et le plan d’intégration doivent inclure les aspects stratégiques, identitaires et communicationnels liés à la marque.

A. Comment nommer la nouvelle entité ? doit-on faire évoluer l’identité de la marque corporative ou la revoir en profondeur ?
Quelle est la stratégie la plus pertinente pour renforcer le positionnement de marque ?

Dans le contexte d’une fusion ou d’une acquisition, il est difficile d’éviter la discussion sur le nom de la nouvelle entité organisationnelle, la NewCo. Devrait-on conserver les deux noms, en garder un seul ou en créer un nouveau ? Voudrons-nous retenir le nom d’une des entreprises et l’associer au portefeuille élargi de produits et services ?

L’écosystème de la marque se redéfinit sous l’influence de la combinaison des entreprises concernées. Cela se traduit souvent par l’émergence d’une nouvelle vision, un paysage concurrentiel redessiné, une gamme des produits et services transformée et bonifiée, des réseaux de distribution étendus, tous des éléments clés dans la réévaluation. Comment se définit cette nouvelle organisation, quelle est sa nouvelle proposition de valeur pour ses clients, ses employés et ses partenaires ?

Bien des options sont envisageables : toutes ont des avantages et des inconvénients, qu’il convient d’examiner et de comparer de la manière la plus objective possible.

Pour faire avancer le débat et encadrer la prise de décision, on pourra se servir des points suivants de l’arbre décisionnel :

  • la notoriété de chaque entreprise dans son marché;
  • le capital d’estime dont chacune jouit auprès de ses différentes parties prenantes;
  • la complémentarité des deux organisations;
  • la valeur de leurs portefeuilles de marques produits / services respectifs;
  • la présence de chacune des entreprises sur les marchés (international / nationaux);
  • la disponibilité légale des marques pour enregistrement dans les marchés ciblés;
  • les investissements requis et les budgets alloués à la mise en œuvre.

L’idéal est évidemment d’avoir un arbre décisionnel déjà établi lors de la transaction, qui pourra guider la réflexion du comité d’intégration !

Une fois la nomenclature corporative décidée, il faut se pencher sur l’identité visuelle et la plateforme d’expression de la marque. Une refonte, qu’elle soit minimale ou complète, sera souhaitable afin d’envoyer un signal de renouveau à l’interne et dans le marché. Le principe le plus important : si un employé ou un client voit disparaître une marque aimée, alors la nouvelle marque devra être perçue comme une marque primée et avantageuse par rapport au passé.

Exemples de quatre solutions classiques

1.    Élection de la marque dominante

La marque la plus forte et la mieux positionnée pour l’avenir est choisie pour représenter l’entreprise. C’est alors le moment opportun pour rafraîchir l’identité visuelle et donner un nouvel élan à la marque corporative.

C’est l’avenue qui a été choisie par TELUS Santé, ACCEO (une division de Constellation Software) et Broadsign, des entreprises que nous avons accompagnées tout au long de cette période de transition.

« L’intégration des équipes d’Ayuda et de Campsite dans la grande famille Broadsign constituait le moment idéal pour préciser la raison d’être, la vision à long terme, la promesse et les valeurs de la nouvelle organisation. L’équipe d’experts de BrandBourg s’est jointe à la nôtre pour élaborer une identité et une stratégie de marque qui pourront nous mener à la prochaine étape de croissance de notre entreprise, tout en tenant compte de notre patrimoine. Nous sommes tous très fiers des résultats. »

Liseanne Gillham, vice-présidente du marketing, Broadsign

« Notre approche habituelle dans le cas d’une acquisition, c’est d’opérer une transition en douceur. On ne débarque pas le premier matin pour peinturer tous les murs en bleu (couleurs de notre entreprise). On laisse plutôt les entreprises garder leur nom deux ou trois ans, en ajoutant une mention comme « une compagnie Premier Tech ».

Jean Bélanger, président et chef de l’exploitation, Premier Tech

2. Fusion identitaire

Il existe plusieurs façons de fusionner les deux identités de marque. Le défi consiste à créer une nouvelle identité performante et harmonieuse.

3. Création d’une nouvelle marque

Certaines entreprises décident de marquer le coup et d’exprimer avec force leur vision d’avenir.

« BrandBourg a su nous accompagner tout au long de notre processus de réflexion avec professionnalisme et rigueur. La destination finale est devenue tellement stimulante — tant par son nom que par son look — que personne n’a jamais remis en question la stratégie ! Notre marque est clairement positionnée et nous apprécions les bénéfices ! »

– Tanya Luttrell, associée, directrice générale, Umanico

« Cette identité visuelle illustre brillamment ce qu’est la médecine de précision; elle suscite de fortes résonances à travers l’entreprise, de Montréal jusqu’en Chine. La nouvelle marque est un vecteur important de mobilisation des troupes. »

– Martin Leblanc, chef de la direction de Cellcarta

4. Statu quo pendant une période indéterminée

La marque qui est acquise conserve son identité. Dans ce cas, les deux entreprises bénéficient de marques corporatives fortes et bien différenciées. Les employés et clients ne sentent pas de rupture et le capital de marque de chacune est préservé.

B. Devrions-nous en profiter pour optimiser les ancrages stratégiques de l’organisation ainsi que sa promesse clients / employés ?

Toute fusion ou acquisition implique nécessairement une intégration des visions, valeurs et cultures d’entreprises, ainsi qu’une évolution de la promesse de marque.
La réalisation d’ateliers regroupant un large éventail d’employés et de dirigeants — dans le but de faire rejaillir la raison d’être de la nouvelle organisation, sa vision à long terme ainsi que les valeurs qui guideront l’ensemble de ses actions et décisions — est un excellent moyen de faciliter cette intégration et de galvaniser les troupes. De telles rencontres permettent aussi de circonscrire la promesse de marque de l’organisation élargie. Quel type de relation désirez-vous entretenir avec vos clients et employés ? Quels avantages retireront-ils de cette relation et pourquoi êtes-vous particulièrement aptes à les satisfaire ?

Plus votre promesse de marque sera clairement articulée, communiquée à l’ensemble de vos employés et intégrée dans vos façons de faire, plus grandes seront les chances que cette promesse soit tenue, à l’interne comme à l’externe.

 

La valeur d’une promesse de marque pertinente et réalisée avec constance et excellence est considérable, puisque ce sont ces éléments qui sont les plus étroitement associés à l’indice de recommandation client (IRC ou NPS pour Net Promoter Score) d’une organisation.**

Dans un contexte de compétitivité accrue et de pénurie de main-d’œuvre qualifiée, un IRC supérieur à la moyenne de l’industrie vaut son pesant d’or.

Chez BrandBourg, nous avons développé un outil de mesure de la puissance relative de votre promesse de marque, en collaboration avec Ad hoc Recherche. Cet outil peut aussi être très utile pour mesurer le capital d’estime des marques fusionnées auprès de leurs différentes parties prenantes, et ainsi faciliter la décision quant à leur maintien ou évolution.

C. Comment minimiser le risque d’un changement de marque et de stratégie de marque ? Communiquer et communiquer encore !

La firme McKinsey identifie la communication comme un facteur clé du succès de toute fusion ou acquisition. Plus de 75 % des organisations qui ont entrepris une fusion ou une acquisition ont pu accroître leur présence et leur force commerciale dans leurs marchés grâce à un effort clair et soutenu en communications visant à appuyer la transaction et mettre de l’avant ses avantages. La stratégie de communication, qui est le meilleur outil pour gérer et atténuer les risques de changement, doit s’adresser à tout l’écosystème de l’entreprise : les employés, les équipes commerciales, les fournisseurs, les clients, et prendre en compte leurs interrogations et préoccupations diverses.

Essentiellement, une transaction transformatrice est un chantier de gestion de changement et le plan de communication devra répondre aux nombreuses interrogations sur la nouvelle réalité opérationnelle et de marché de l’entreprise :

Quelle est la stratégie auprès des divers clients actuels ?

Quelle est la valeur ajoutée de la nouvelle stratégie en matière de croissance des affaires ?

L’employé ambassadeur

Les entreprises qui bénéficient d’une marque employeur forte comprendront l’importance d’une communication transparente et soutenue auprès des employés afin de maintenir la culture organisationnelle porteuse. À la suite d’une acquisition, une démarche structurée sera nécessaire pour concilier les cultures des deux organisations. À la fois sensible, ordonnée et rassembleuse, cette démarche pourrait se traduire par la diffusion d’un guide de culture d’entreprise au sein de l’organisation.

Ainsi, la stratégie communicationnelle aura pour objectif d’atténuer les appréhensions des employés, être à l’écoute de leurs préoccupations et répondre à leurs interrogations. On cherchera à leur démontrer en toute transparence la vision derrière la transaction et le fait qu’elle a été effectuée avec prudence et diligence. L’objectif ultime sera leur adhésion et leur engagement continu au succès de l’entreprise.

Les alliés externes

Il va de soi que bien communiquer le changement à l’écosystème externe de l’entreprise est une priorité. Il faut les rallier et préserver la loyauté des clients et fournisseurs, et ce, malgré des objectifs qui peuvent sembler contraires à leurs intérêts, comme l’optimisation des chaînes d’approvisionnement et de distribution et la rationalisation des coûts d’exploitation.

Les efforts à déployer varieront selon qu’il s’agit d’une marque présente dans le marché de consommation (B2C) ou d’une marque présente dans le marché des affaires (B2B).

De façon générale, le changement d’une marque B2B peut se faire plus rapidement. Le risque sera plus facile à gérer si les principaux contacts (vendeurs, réseaux de distribution, service clientèle, conseillers, etc.) restent en place. Leur présence assurera la stabilité du service et permettra une communication individuelle à propos du changement.

Pour une marque B2C, en revanche, le changement est généralement plus long et peut nécessiter deux, voire trois phases de transition. Cette situation est fréquente dans le secteur des biens de consommation, où l’on assiste à une consolidation des marchés à l’échelle mondiale.

Toutefois, il existe des exceptions, comme lors d’un changement de nom corporatif d’une marque produit, par exemple. L’acquisition récente de la division de fromages naturels de Kraft a permis à Lactalis Canada d’ajouter Cracker Barrel, Amooza et P’tit Québec à son portefeuille de marques populaires, qui comprend Black Diamond (Cheestrings), Astro, Lactantia, Balderson, Beatrice, siggi’s, Président et Galbani.

« Bien comprendre les consommateurs et ce que la marque représente pour eux est extrêmement important dans votre stratégie de marque post-acquisition. »

– Rosa Checcia, Vice-présidente, marketing (fromage), Lactalis Canada

Prêts pour l’avenir !

Nous espérons que ce survol aura réussi à attiser votre intérêt pour l’importante réflexion « branding » dans le cadre d’une fusion ou acquisition d’entreprise.

Avec une planification réfléchie qui évite autant que possible les angles morts, une stratégie alignée qui permet de renouveler la promesse et l’expérience de marque, ainsi qu’une exécution impeccable où la communication est utilisée de façon judicieuse et est mobilisatrice, la marque prendra un nouvel essor et l’entreprise sera en mesure de récolter les fruits de cette belle aventure.

Quel que soit le contexte, notre contribution vise à assurer une approche objective à la prise de décision sur la marque et à augmenter l’émotion dans la communication et le déploiement. C’est ce qui suscitera l’adhésion unanime des employés, des clients, des consommateurs, du marché financier et de toute autre partie prenante.

* Sondage auprès de 250 dirigeants et chefs de l’intégration ayant assisté à la conférence annuelle du Conference Board portant sur l’intégration post-fusion.
**Sondage de satisfaction auprès de la clientèle réalisé par BrandBourg en collaboration avec Ad hoc Recherche.

Article écrit par BrandBourg avec la collaboration de Sylvia Morin, ICD.D*

*En tant que membre de la haute direction d'entreprises et spécialisée en communications stratégiques, Sylvia Morin a participé à de nombreuses fusions et acquisitions transformationnelles dans son rôle de direction et à titre de consultante. Elle a été responsable, entre autres, des affaires corporatives, du branding et des communications corporatives chez Astral Média (maintenant Bell Média), Molson Coors, BCE Emergis et Téléglobe.


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