En 1895, Télesphore Garant forgeait ses premiers outils de ferme dans le village de Saint-François-de-la Rivière-du-Sud. Aujourd’hui, l’entreprise Garant est toujours basée au même endroit, et est devenue le plus important fabricant d’outils non motorisés de jardinage, de construction et de déneigement au Canada.

Jean Gaudreault, qui dirige la destinée de l’entreprise depuis 1996, a fait de l’innovation sa principale arme contre la concurrence. L’équipe de BrandBourg collabore avec la sienne depuis 2006 dans le but d’assurer la pertinence soutenue de la marque Garant dans tous ses segments et auprès de toutes ses clientèles cibles. Nous nous entretenons avec lui sur le lien entre innovation, branding et recherche.

BB : Jean, l’innovation est au cœur de votre stratégie d’affaires. Quelle est l’importance d’innover en 2021 ?

JG : Pour nous, ça demeure encore et toujours une question de survie. Quand on a une entreprise, on se lève tous les matins pour aller à la guerre. C’est important de choisir ses armes. Dans notre cas, il faut comprendre qu’on fait un produit de commodité, fabriqué partout dans le monde. Il est impossible de concurrencer les pays émergents sur la base du prix. Chez Garant, on a choisi, pour se battre, de miser sur l’innovation, de continuellement se réinventer dans nos produits, nos façons de les fabriquer, de les distribuer et de les vendre. C’est tellement une valeur fondamentale pour nous, que l’une de nos devises, c’est « Innover ou mourir ».

Innover, c’est nécessaire pour soutenir la croissance, particulièrement quand tu détiens déjà des parts de marché significatives. Ça t’amène à explorer des nouveaux créneaux, des nouvelles gammes de produits, des nouvelles catégories pour alimenter la croissance. Et quand tu remplaces des produits qui ont atteint la fin de leur cycle de vie, qui ont été copiés, ou dont la marge s’est effritée au cours des années dû à des nouveaux produits à valeur ajoutée, innover te permet d’améliorer la profitabilité de ton entreprise.

Innover, c’est une façon d’affirmer ton leadership. Si tu es le leader de ta catégorie, tu dois agir en tant que tel. Tes clients s’attendent à ce que tu apportes de la valeur et que tu développes l’intérêt et la demande pour tes produits.

Et finalement, innover, c’est très motivant. On est dans une époque où les gens qu’on engage ont besoin de défis, ils n’aiment pas la routine. L’innovation est une grande source de motivation et de fierté pour nos gens, et ça va au-delà des nouveaux produits. Quand on est entrés dans le manufacturing 4.0, on a bouleversé beaucoup de choses, on a amené beaucoup d’innovation en usine et les gens ont aimé ça. L’innovation, ça motive, ça challenge, ça nourrit. C’est un bel outil d’attraction et de rétention de la main-d’oeuvre.

BB : Vous avez récemment joint les rangs des Entrepreneurs-Entraîneurs à l’École d’Entrepreneurship de Beauce (EEB), et animé un atelier d’immersion de 24 heures portant sur l’innovation. Votre message portait principalement sur l’importance d’investir en amont plutôt que de réparer en aval. Qu’entendez-vous par cela ?

JG : Ça ne sert à rien de développer des nouveaux produits s’ils ne sont pas en phase avec les besoins du marché ou s’ils ne sont pas cohérents avec ta marque. Il faut donc prendre le temps de définir les paramètres de ta marque; comprendre les besoins et attentes des clients utilisateurs et valider que tes projets d’innovation tiennent la route. Sinon, tu t’enlignes pour avoir des résultats décevants et tu risques de te retrouver en mode correction plutôt qu’en mode développement. Et ça, ça coûte très cher, parce que tu as mis des mois et des mois à développer ton nouveau produit ou service. Si tu es à la tête d’une entreprise manufacturière, tu as probablement investi des centaines de milliers de dollars dans de nouveaux équipements. Arriver à la fin et que le produit ne se vende pas, c’est dramatique.

Une marque aux paramètres bien définis, ça te permet de camper ton innovation sur le « pour qui » et le « pourquoi » plutôt que simplement sur des attributs de produits. « Faciliter la tâche », c’est l’idée fixe qui nourrit chaque jour la promesse de marque de Garant. Quelle que soit la tâche à accomplir, nous sommes persuadés qu’il y a une façon d’améliorer son exécution en matière d’efficacité ou d’ergonomie en utilisant des matériaux classiques ou nouveaux ainsi qu’en adaptant les outils aux réalités d’aujourd’hui. Ça laisse beaucoup de place à l’innovation.

De plus, nous sommes de fervents adeptes des validations auprès des utilisateurs d’outils. Il n’y a rien de mieux que de parler à des jardiniers amateurs, des travailleurs manuels ou des pelleteurs pour comprendre leurs besoins et leurs attentes et s’assurer que les produits que nous développons pour eux satisfassent leurs critères de performance. Chaque année, nous rencontrons facilement une centaine d’utilisateurs amateurs ou professionnels dans différents segments pour leur présenter nos innovations à divers stades de développement et recueillir leurs commentaires. Cette approche nous permet d’avancer avec confiance tout au long de notre processus d’innovation et de fidélisation de nos clients utilisateurs.

BB : Garant est reconnue pour son ouverture à faire de la recherche hors des sentiers battus. En quoi cela vous aide-t-il à développer de meilleurs produits ?

JG : Dans la mesure du possible, je crois qu’il est important de rencontrer les utilisateurs dans un contexte qui favorise la discussion et permet le maximum d’apprentissages. Au fil des années, nous sommes allés rencontrer des jardiniers amateurs dans leurs cours et avons visité leurs cabanons, pour mieux apprécier leurs contextes de vie et identifier des pistes de développement pour de nouveaux outils. Nous avons réalisé des études en magasin, sur des terrains privés, dans des pépinières, même chez un piscinier – parce qu’on avait besoin de tester nos balais sur différentes surfaces, incluant du pavé uni et du bois traité, et que ce détaillant avait tout ça sous le même toit.

On a même testé des haches dans une cour à bois en Beauce, avec des bûcherons d’expérience, accompagnés d’ergonomes qui filmaient chacun de leurs mouvements ! Pas besoin de mentionner que l’étude incluait un budget en chasse-moustiques !

BB : Innover, ça implique aussi de faire évoluer sa marque en même temps que ses produits. Nous avons récemment eu le privilège d’accompagner votre équipe dans son projet de revitalisation de la marque Garant PRO SERIES. Que désiriez-vous principalement accomplir avec ce projet ?

JG : On fabrique des produits de classe mondiale. Nos produits destinés aux professionnels, notamment, sont conçus selon les plus hauts standards de durabilité, performance, sécurité et ergonomie. On voulait que l’image de la marque Garant PRO SERIES reflète ceci, que la marque communique clairement cette vocation.

Là encore, on ne s’est pas fiés à nos préférences personnelles. On a pris le temps de consulter des travailleurs manuels dans différents domaines tout au long du processus de refonte de l’image de marque, afin de nous assurer que la nouvelle identité nous permette de gagner en visibilité et en impact auprès de notre clientèle professionnelle.

BB : En conclusion, que diriez-vous aux entrepreneurs et dirigeants d’entreprises manufacturières qui croient que le branding ou la recherche ne s’appliquent qu’aux grands fabricants de produits de consommation de masse ?

JG : En partant du principe que toutes les entreprises peuvent et devraient innover dans toutes leurs sphères d’activités, j’aurais envie de leur dire que « On ne se pratique pas devant son public ». Prenez le temps de faire vos devoirs pour bien camper votre marque et comprendre les besoins et la réalité de vos clients. Et faites-vous accompagner par des professionnels du branding. C’est un investissement qui va vous permettre de maximiser le potentiel commercial de vos innovations tout en vous permettant de sauver du temps et de l’argent sur le long terme.

Ce qui coûte cher, c’est de se tromper. Quand le produit est lancé, il est trop tard pour faire de la recherche. Parce que là, ce n’est plus de la recherche, c’est une constatation. Et parfois, ça fait mal. Nous, on a payé pour apprendre. Quand je suis rentré chez Garant, on faisait très peu de validation ou si on en faisait, on se validait à l’interne parce qu’on croyait qu’on avait toutes les réponses, et on s’est cogné le nez. Je suis maintenant fier de dire que tous nos lancements de nouveaux produits au cours de la dernière décennie ont connu de réels succès.

Jean Gaudreault, président-directeur général, Garant


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