Yann Mooney s’est bâti une réputation internationale en tant que penseur et leader créatif. Il est une référence dans le domaine du branding. Il a œuvré chez SID LEE pendant 20 ans, à titre de directeur de création et associé auprès des plus importants clients de l’agence, tant au Canada qu’à l’étranger.

Ces dernières années, à la tête d’équipes créatives multidisciplinaires hautement réputées, son travail a été récompensé par de prestigieux organismes à travers le monde. Parmi les clients qui ont profité de son expertise, mentionnons adidas AG, Absolut, Red Bull, Cirque du Soleil, SAQ, Bell, Vidéotron, Vodafone, Air Canada, St-Hubert, Banque Nationale, exo et Loto-Québec. Yann s’est joint à BrandBourg en mars dernier à titre de VP création. Nous avons voulu mieux vous le faire connaître.

Qu’est-ce qu’une marque pour toi ?

Je commencerais par te dire ce qu’une marque n’est pas, selon moi. Une marque n’est pas un nom, un logo ou une palette de couleurs. Ça, ce sont des outils (très importants, ceci étant dit) avec lesquels on travaille pour raconter l’histoire de la marque. Une marque a donc une histoire qui lui est propre, des valeurs, une personnalité unique et des façons de se présenter et de parler qui se démarquent. Mais surtout, une marque, c’est vivant. Quand on développe une marque on utilise d’ailleurs des termes qui s’appliquent à nos façons de décrire les gens, comme le mot ‘personnalité’ par exemple. Je crois qu’on doit traiter une marque comme entité vivante, comme une personne. Une personne qui a des émotions et des choses à dire, qui développe des relations humaines fortes, durables et pertinentes. Une personne qui a une raison d’être, qui grandit et qui évolue pour rester pertinente. Une personne qui me fait vivre des expériences, qui m’apporte quelque chose de concret et avec qui je vais faire un long bout de chemin. Quand une marque parvient à nous toucher au cœur et à rejoindre nos valeurs, on y reste fidèle et on est prêts à payer 6 $ pour un café…

Quand une marque arrive à nous toucher au cœur et à rejoindre nos valeurs, on y reste fidèle et on est prêts à payer 6 $ pour un café…

Quelle est la différence entre une approche locale, nationale et internationale dans la création ou revitalisation d’une marque ?

La plus grande différence est dans la difficulté de trouver des perspectives humaines vraiment universelles qui ne soient pas rattachées à une culture en particulier. On cherche ce qui va nous permettre de développer des histoires de marque et des concepts qui puissent rejoindre autant un Canadien, un Allemand ou un Japonais. C’est un exercice difficile, mais quand il est bien exécuté, il fait en sorte que les marques sortent vraiment du lot et s’imposent au-dessus de la mêlée.

Pourquoi une organisation devrait-elle entreprendre une réflexion sur sa marque et son expression ?

En un mot, pour rester pertinent. Ça peut sembler simpliste comme ça, mais un peu comme un être humain qui grandit, qui passe de l’enfance à l’adolescence à l’âge adulte, une marque doit constamment évoluer et s’adapter pour rester pertinente dans le cœur et dans la tête des consommateurs. Pour rester pertinent, il faut être en harmonie avec le moment et le contexte.

En quoi la culture d’une entreprise a un impact sur sa plateforme d’expression de marque ?

C’est une question intéressante et la réponse toute simple pourrait être : l’impact de la culture d’entreprise est majeur. Mais on peut aussi prendre ça à l’inverse et dire que la marque peut avoir un impact capital sur la culture d’entreprise. Tout ça pour dire que l’expression de la marque et la culture d’entreprise devraient être parfaitement alignées. Il ne faut pas oublier qu’une marque agit sur plusieurs fronts, et qu’en plus de ce qui rejoint les consommateurs, la façon dont la marque s’insère dans le cœur de ses employés est tout aussi importante.

Quel est l’impact espéré d’une plateforme d’expression de marque sur la capacité à :

a)    Inspirer les consommateurs à adhérer à une marque ?

b)    Motiver les entrepreneurs à faire affaire avec cette marque ?

c)     Attirer le talent et renforcer le sentiment de fierté parmi les employés ?

Ahhhh, la question à choix multiple ! Tu ne seras pas étonné d’apprendre que ma réponse est : d) toutes ces réponses. C’est vrai que les marques doivent avoir plusieurs facettes et pouvoir parler à différentes audiences et leur apporter quelque chose d’unique. À mon humble avis, il faudrait aussi ajouter la notion de marque citoyenne à ces choix de réponse. Les consommateurs sont de plus en plus exigeants envers cet aspect parfois négligé par les marques. Si on en revient à l’idée qu’une marque est comme une personne, alors la marque doit elle aussi se soucier de ce qu’elle laisse comme empreinte dans la société et sur la planète. On en revient à la pertinence, à la nécessité d’être connectés au moment et au contexte.

Selon toi, quelles sont les principales différences entre une firme de branding, de design, de communication et une agence ?

Depuis le début du confinement je dis à la blague et sans aucune prétention que le branding n’est peut-être pas un service essentiel, mais que c’est un service fondamental; oui, je sais, ce sont des synonymes. L’idée est de souligner que le branding n’est ni plus ni moins que le fondement d’une marque et qu’il sert à bien la diriger dans ses expressions, que ce soit en design, en publicité ou autres tactiques de communication.

Il y a malheureusement peu d’agences vraiment spécialisées en branding, cette discipline étant souvent englobée dans un amalgame de services dans les agences.

Qu’est-ce qui distingue BrandBourg dans le marché ?

Ce sont les gens qui font la particularité de BrandBourg. Non seulement par leurs talents, mais aussi par la diversité de leurs parcours, ce qui donne à cette équipe un profil vraiment unique dans le marché.

J’aime bien donner l’exemple suivant pour illustrer ce propos :  il y a quelques années, j’ai assuré la direction de création du projet exo alors que j’étais chez une autre agence, la stratégie ayant été développée par Lucie et Pierre de BrandBourg et Lynne Gagnon était du côté client. Avec Lynne et moi maintenant chez BrandBourg, on a toutes les parties responsables de mener la vision de ce projet à terme et d’en assurer la mise en oeuvre. Sans ce projet, je ne serais pas tombé en amour avec ces personnes pour lesquelles j’ai un immense respect et une grande admiration et avec lesquelles j’ai envie de faire de grandes choses. Je crois que c’est ce projet qui nous a donné envie de travailler tous ensemble.

J’avais le feeling que les gens étaient au cœur de l’approche de BrandBourg, et depuis que je me suis joint à l’équipe, mon intuition a été confirmée à plusieurs reprises.

On a vu une tendance se développer dans les entreprises ces dernières années : le « do it yourself ». Que penses-tu de l’internalisation du design en entreprise ?

Notre profession a beaucoup changé dans les dernières années et cette réalité de l’internalisation du design est une tendance à laquelle on doit s’adapter (nous aussi, nous devons rester pertinents). Nos clients connaissent mieux leurs marques que nous et ils sont bien placés pour en assurer la cohérence au quotidien. J’ai vu des gens de grands talents faire le saut du côté client dans les dernières années et contribuer au succès de plusieurs marques.

Que penses-tu alors d’une approche « do it together » ?

J’aime beaucoup cette idée de co-création. Si nos clients connaissent mieux leur marque que nous, de notre côté nous avons la chance d’avoir le recul nécessaire pour identifier ce qui peut être mis à jour ou amélioré. Quand on arrive à réunir les deux parties, client et agence, on arrive rapidement à des solutions novatrices et pertinentes qu’on réussira à implanter plus facilement. On a fait du travail de co-création à quelques reprises avec nos amis chez PremierTech et on a remarqué comment leurs équipes se sont vraiment approprié les projets et comment ils en sont devenus les meilleurs défenseurs à l’interne.

Toi qui a gagné de nombreux prix internationaux en création, quelle est ta vision de ces derniers en rapport avec les résultats concrets d’un projet ?

Il est évidemment toujours satisfaisant de voir son travail admiré et récompensé par ses pairs, mais ces récompenses ne sont pas nécessairement un indicateur du succès d’un projet du point de vue commercial. Nous avons la responsabilité de mettre notre intelligence et notre talent au service de nos clients d’abord et avant tout, afin de les aider à continuer à développer leurs marques, à augmenter leurs profits, à se démarquer et à rester pertinents. Si on fait tout ça, il y a de bonnes chances que les récompenses arrivent naturellement.

Comment vois-tu le rôle du branding et son importance pour une entreprise qui vend des biens de consommation courante (ou « CPG », d’après le terme anglais) ?

Je crois qu’il est primordial que les entreprises en CPG continuent à capitaliser sur l’importance du branding. Pour moi, le rôle du branding et du storytelling en CPG est la meilleure façon de se différencier et d’occuper une place unique dans le cœur des gens. On cherche à créer un effet de désirabilité et de loyauté des consommateurs qui fait en sorte que les produits ne soient pas considérés comme de simples commodités facilement interchangeables au gré des offres spéciales. En ce sens, les produits des entreprises en CPG n’échappent pas aux envies des consommateurs de s’identifier à des histoires de marques qui leur ressemblent et qui les touchent.

Quel serait à ton avis la contribution du design d’emballage à la stratégie de communication de marque ?

Le design d’emballage a son lot de défis vraiment particuliers. On doit se démarquer de nos concurrents qui sont juste à côté de nous sur les mêmes tablettes. Cette guerre de tablette est cruciale car les consommateurs font souvent leur choix directement sur place, sauf si on réussit à créer de la loyauté. La meilleure façon de créer cette loyauté et de prendre une place unique dans le cœur des gens et pour ce faire, les marques doivent avoir une histoire qui soit véhiculée sur les emballages. J’aime bien essayer de traiter le design d’emballage un peu comme on traite un panneau publicitaire, c’est-à-dire, en communiquant un message et pas juste des informations.

Les marques produits utilisent souvent des personnages (characters). On parle présentement d’appropriation culturelle ou de stéréotypes dans les identités de marques (Uncle Ben’s, Aunt Jemima, etc.). Qu’en penses-tu ?

C’est un sujet très sensible et très actuel. Dans la foulée des mouvements anti-racistes qu’on vit aux États-Unis ces derniers temps, on peut voir le danger de s’associer à ces stéréotypes. Ce qui était peut-être pertinent à une époque est devenu impertinent. D’ailleurs, la compagnie qui détient Uncle Ben’s a récemment annoncé que le moment est opportun pour faire évoluer la marque. La pression populaire aura donc eu raison de ce stéréotype qui véhicule des valeurs qui ne sont plus actuelles, et c’est tant mieux. La même chose va arriver à Aunt Jemima et probablement aux Redskins de Washington au football, aux Indians de Cleveland au baseball, etc. Faut être de son temps.

Quel est le rôle du branding à un moment comme celui provoqué par la COVID ?

On l’a vu, la crise de la COVID a vraiment accéléré les découvertes, les transformations et les changements dans plusieurs secteurs d’activités, mais aussi au niveau de nos comportements humains et de nos habitudes. Les consommateurs ont souvent une longueur d’avance sur les marques et il y aura probablement un plus grand écart suite à cette crise. Les marques vont devoir s’adapter rapidement à cette nouvelle normalité afin de réduire, voire effacer cet écart. Je reviens à ce que je disais plus tôt : je crois que dans ce contexte, le branding est un service fondamental qui aide les marques à rester pertinentes.

Yann Mooney, vice-président création


"Il y a malheureusement peu d’agences vraiment spécialisées en branding, cette discipline étant souvent englobée dans un amalgame de services dans les agences."


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