Le choix du nom : un élément crucial de l'avenir d'une marque

Choisir le nom de son enfant constitue un exercice lourd de sens, car le nom que vous lui donnerez deviendra l'expression de son identité et de son concept de soi. Des études ont démontré que les enfants qui n'aiment pas leur nom sont plus susceptibles de souffrir d'une faible estime de soi. Il a également été démontré que le nom d'une personne peut jouer un rôle dans son aptitude à plaire aux autres. Le choix d'un nom de marque est tout aussi capital.

Au-delà du simple exercice de génération d’idées, le développement du nom de marque s’avère une démarche à la fois stratégique et créative d’une grande portée pour l’entreprise. La création d’un nom de marque s’inscrit dans une démarche globale, au service de l’organisation et de sa vision. Sans compter que les restrictions légales imposées sur le choix d’un nom ne font qu’ajouter à l’ampleur du défi que représente le processus de sélection du nom.

Forts d’une grande expérience dans ce domaine, nous partageons ici les principaux facteurs qui font le succès d’un tel exercice. Voici donc cinq éléments à considérer dans un processus de création d’une nouvelle marque.

« La gestion de nos marques produits devait être revue afin d’être mieux alignée sur notre stratégie. Aujourd’hui, nous avons un système clair qui soutient notre marque mère. »

Liseanne Gillham,  Vice-présidente marketing, Broadsign

1. Avez-vous besoin de créer un nouveau nom, ou est-ce qu'un ajout à un nom existant (un peu comme l'addition de « junior » ou de « III » au nom d'une personne) pourrait suffire?

Jour après jour, nous devons naviguer dans une mer de signes, de symboles et de marques. La décision de créer une nouvelle marque est hautement stratégique. Vous voulez éviter la création de nouvelles marques superflues, compte tenu des investissements (marketing et gestion) qu’une telle initiative exige afin de ressortir de la foule de marques qui se battent pour obtenir l’attention des consommateurs et acquérir sa part de visibilité et de valeur sur le marché. Par ailleurs, si vous offrez à votre clientèle un trop grand nombre de marques et de sous-marques, vous risquez de créer de la confusion. La première question à vous poser est donc la suivante : est-il vraiment essentiel de créer un nouveau nom pour votre produit, service ou organisation ? Une stratégie de marque réfléchie s’amorcera avec un examen méticuleux du portefeuille de marques de l’entreprise dans son ensemble. Dans le cas de grandes entreprises, par exemple, il n’est pas rare que BrandBourg propose une plus grande cohérence du portefeuille en réduisant le nombre de marques, même si cela peut sembler contre-intuitif. Parfois, un moins devient un plus.

Toutefois, un nouveau nom peut constituer une solution stratégique dans le cadre des scénarios suivants :

  • le lancement d’une nouvelle entreprise, d’un nouveau produit ou service;
  • une fusion ou une acquisition;
  • une rupture organisationnelle;
  • un repositionnement ou un changement stratégique important issu :
    • d’un changement ou d’une diversification des activités;
    • d’une entrée sur un nouveau marché;
    • de l’affirmation de certaines valeurs (p. ex. : développement durable);
    • d’une situation de crise ou d’une atteinte à la réputation de l’entreprise.

« Créer un nouveau nom plus évocateur et mémorable afin de regrouper toutes nos entreprises fut une stratégie payante, tant à l’interne qu’à l’externe. »

Tanya Luttrell, Associée et directrice recrutement et recherche de talents, Umanico

2. Le « bon nom » peut s'exprimer sous différentes formes.

Noms propres, noms descriptifs, initiales, acronymes, abréviations, métaphores, noms inventés de toutes pièces… Il n’y a pas de formule magique. Quel que soit le secteur d’activité, tous ces types de noms sont possibles, comme dans le secteur financier par exemple, où l’on retrouve Desjardins, Tangerine, Manuvie, Fondaction, Banque Nationale, TD.

Bien qu’il n’y ait pas de « meilleur type » de noms, chacun présente ses avantages et ses limites, ses pour et ses contre. D’autres considérations viennent aussi ajouter leur poids à la balance, dont l’enregistrement de la marque et l’acquisition d’un nom de domaine. Autrement dit, penser trouver un nom descriptif, bilingue (c’est-à-dire compris par les francophones et les anglophones), et pouvant être associé à un nom de domaine international s’avère peu réaliste ! Tout comme un nom inventé de toutes pièces ne pourra acquérir une notoriété sans l’aide d’un investissement marketing colossal — pensez à Nike et Google, par exemple.

Voici une matrice qui répertorie quelques forces et faiblesses des différents types de noms.

« L’un des enjeux auxquels nous sommes le plus souvent confrontés est l’adoption de marques descriptives dans le but de véhiculer un message clair au sujet des produits. Ce type de marque est particulièrement difficile à protéger et à défendre. »

– Isabelle Jomphe, Associée et avocate de marques de commerce, Lavery de Billy SENC

3. Créer un nom de marque : trouver la qualité dans la quantité.

La première étape de création d’un nom laisse place à la créativité débridée, visant à générer une longue liste de possibilités. À ce stade du processus, inutile de se soucier des différents critères de faisabilité ou de viabilité des noms proposés : toutes les idées sont bonnes.

Les noms qui ressortent de cet exercice doivent ensuite faire l’objet d’un processus d’élimination rigoureux.

D’abord, on doit établir un brief exhaustif établissant les paramètres à respecter. Ceux-ci comprennent, entre autres, le positionnement du produit/service ou de l’organisation, l’auditoire primaire du nom, la portée géographique (locale, régionale, nationale, internationale), l’importance du lien à créer au sein d’une famille de marques, le paysage concurrentiel, les codes du marché, et l’ampleur du budget marketing-communications-publicitaire disponible pour bâtir la notoriété de la marque. Le brief doit aussi déterminer les objectifs généraux quant aux attributs que l’on veut évoquer, aux sentiments que l’on veut susciter, et, si possible, les territoires créatifs à explorer. Tous les moyens sont bons : remue-méninges en groupe, recherche individuelle, logiciels de création, bâtir sur les idées des autres. L’exercice peut s’effectuer en plusieurs rondes, ou encore être repris à partir de zéro, peu importe : le but est d’arriver à réduire le choix de noms à considérer en se fondant sur les objectifs de l’entreprise et sur les critères de succès du nom.

Le processus comporte évidemment plusieurs pièges à éviter :

  • Tomber sous le charme d’un nom qui n’a pas encore été soumis à une recherche légale
  • Croire que le nom du projet (souvent un nom de code) serait un bon nom commercial
  • Rechercher l’unanimité – aucun nom ne saura plaire à tous
  • Tenir une séance interne de remue-méninges de dernière minute – le développement d’un nom est une tâche sérieuse, elle ne doit pas être faite à la sauvette, n’importe comment
  • Se fier au Larousse ou à Google

4. Faire le bon choix : la raison avant la passion.

Tout comme choisir le nom de votre enfant, le choix du nom de marque constitue une étape charnière, déterminante, souvent considérée comme un point de non-retour… du moins dans un horizon de court ou moyen terme.

En amont du processus d’évaluation des différents noms générés à l’étape 3, il est crucial d’avoir établi des critères de sélection objectifs et étendus qui seront compris et partagés entre tous les décideurs afin d’éviter de créer des conflits fondés sur de simples préférences personnelles.

Voici quelques éléments à prendre en compte lors du processus d’évaluation :

  1. Pertinence : correspond à la mission, aux valeurs ou à la personnalité de l’organisation
  2. Différence : distingue l’organisation de la concurrence
  3. Acceptabilité : ne comporte aucune connotation négative pour vos auditoires, quelle que soit leur langue
  4. Style : court, mémorable, facile à prononcer, à lire, à écrire; suscite une réponse émotive
  5. Cohérence : en harmonie avec les autres marques du portefeuille (le cas échéant)
  6. Langue : peut être compris par les interlocuteurs francophones et anglophones, et possiblement par les auditoires allophones
  7. Disponibilité : du point de vue légal (enregistrement) et en tant que nom de domaine
  8. Graphisme : la représentation graphique du nom peut s’avérer harmonieuse ou difficile, selon son orthographe

« Le choix de la stratégie de marque et du nom ont joué un rôle clé dans le lancement de notre nouvelle marque à succès, La Mie de l’Artisan. Le nom et le design de l’emballage du nouveau produit s’harmonisent de façon crédible, pertinente et attrayante. »

– Tania Goecke, Directrice marketing Senior, Bimbo Canada

5. Une marque s'étend bien au-delà du nom.

Ne perdons pas de vue que la marque est le fruit de deux composantes vitales : son nom (son identité nominale) et son identité visuelle (logo, couleurs, imagerie associée, et son expression aux différents points de contact avec le public).

Ni le nom ni l’expression visuelle ne peuvent, de façon isolée, bâtir une marque solide. Ces deux volets se conjuguent pour créer un tout unique et complet, conférant à la marque sa personnalité et exprimant une vérité essentielle sur la société, l’organisation, le produit ou le service qui la distingueront de la concurrence.

Conclusion

Créer un nom de marque n’est pas une tâche facile, c’est pourquoi il importe de prendre le temps de bien réfléchir à la pertinence de se donner un nouveau nom, et à ce que l’on cherche à accomplir exactement. Une fois la décision prise, le développement d’un brief de création exhaustif vous aidera à déterminer vos objectifs stratégiques et de communication.

 

Le processus créatif qui suivra devra être fondé sur une approche systématique de développement d’un nom de marque. Il vaut mieux compter sur des méthodes rigoureuses et éviter l’improvisation, comme les concours de recherche de noms.

 

Seule la phase initiale du développement d’un nom doit s’exécuter sans restrictions créatives. Le processus de génération de noms doit permettre d’explorer autant de territoires et produire autant d’options intéressantes que possible. Vous voulez vous assurer d’avoir exploré et étudié toutes les possibilités lorsque vous en viendrez à faire votre choix final.

Oubliez le « moment eurêka » lorsqu’il s’agit de créer une marque. Le processus de décision doit être fondé sur des critères rigoureux. N’oubliez pas que plus de 95 % des noms proposés devront être rejetés parce qu’ils ne pourront être enregistrés ou que le nom de domaine ne sera pas disponible.

Et bien sûr, le travail ne s’arrête pas là. Une fois le nom choisi, c’est à l’équipe de gestion de marque que revient la tâche de s’assurer que celle-ci acquiert de la résonnance, de l’estime, et gagne en notoriété.

« Notre plan initial était de renommer le Centech afin de mieux refléter nos ambitions. BrandBourg nous a convaincus que l’enjeu était ailleurs (plus au niveau visuel et du discours). En rétrospective, et avec le succès que nous avons eu si rapidement, changer de nom n’aurait pas été une bonne stratégie. »

– Richard Chenier, Directeur général, CENTECH


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