Au printemps 2019, BrandBourg s’est entretenue avec une quinzaine d’experts dans le cadre d’une réflexion sur le rôle de la marque dans la planification stratégique des entreprises.
Suite à cet exercice, BrandBourg a souhaité creuser davantage le sujet avec Françoise Bertrand, administratrice chevronnée qui faisait partie de ce panel d’experts. L’entrevue qui suit, menée par Christian Pichette, président de Brandbourg, a été réalisée en août 2019.

BB : Comment voyez-vous la place du branding et son importance pour l’entreprise ?

FB : Je vois le branding comme étant intimement lié à la raison d’être de l’entreprise, à sa mission, sa vision, ses valeurs.

Comme Jean-René Halde le mentionnait (réf. : Cinq principes de branding), je pense qu’il est essentiel d’inclure l’exercice de branding dans la planification stratégique. Parce que c’est là que l’entreprise va créer sa signature, qui rayonnera sur les diverses fonctions de l’organisation et orientera les actions de communication.

Tout découle de la mission et de la vision dont on a doté notre entreprise, y compris le branding. Son rôle est d’assurer la cohérence dans notre façon de connecter avec nos clientèles, de nous adresser aux actionnaires et autres parties prenantes.

De plus, le branding permet d’arrimer notre offre avec la réalité de l’expérience client. Ce n’est pas du vent, c’est du concret !

BB : Quels sont les risques d’un branding faible ? Que pensez-vous des nouveaux concepts comme la « marque employeur » ou l’entreprise « centrée client » ?

FB : Il faut être alignés dans nos actions et nos valeurs, sinon la réalité va nous rattraper.

Par exemple, si mon branding définit une approche pour le service clientèle, et que celle-ci n’est pas en phase avec les valeurs de la « marque employeur » mise de l’avant auprès des employés, j’aurai forcément de la difficulté à mobiliser ceux-ci envers les clients de la façon souhaitée.

Si je décide que mon entreprise est « centrée sur le client » et que mon équipe n’est pas alignée pour atteindre les standards que je cherche à établir, je vais rater mon coup. Il faut que mon entreprise livre la qualité que je prétends pouvoir offrir. Si ce n’est qu’une belle promesse, mes ventes vont augmenter un certain temps, mais tôt ou tard, ça va dégonfler.

Il ne faut pas débloquer des fonds juste au moment où l’on a un nouveau produit ou service à lancer, mais bien en continu, parce que le branding doit être continuellement à l’œuvre dans l’entreprise. C’est essentiel pour pouvoir répondre aux multiples défis qu’elle rencontre. On peut améliorer sa performance à court terme avec une campagne de publicité, mais ce ne sera jamais le bon moyen pour assurer la pérennité d’une organisation.

BB : Vous parlez d’alignement, croyez-vous qu’au Québec les entreprises ont bien intégré ce concept ?

FB : Plusieurs entreprises québécoises maîtrisent bien les notions d’alignement et d’axes communicationnels, qu’il s’agisse de marketing ou de communications à l’interne. Par contre, certaines investissent peu, dans l’idée que c’est un « nice to have », mais que ça coûte cher. Ces entreprises ne voient pas la place du branding dans la pérennité et le développement de leur organisation. Pourtant, même si je n’ai pas besoin de faire de la publicité, mon branding est important… peut-être bien plus encore !

« …le branding permet d’arrimer notre offre avec la réalité de l’expérience client. Ce n’est pas du vent, c’est du concret! »

BB. : Selon votre expérience, cet aspect est-il amené à la table des comités stratégiques d'entreprise assez fréquemment ?

FB : Certainement pas. Les tâches sont divisées plutôt que placées sous la responsabilité d’un département ou d’un service. Le Marketing fait son affaire, les Ressources humaines font la leur et les Communications corporatives de même. Et c’est pareil pour la présidence. En fin de compte, on se retrouve avec une multitude de messages différents; peut-être pas complètement divergents, mais sans effet multiplicateur. Pour ma part, je commencerais au sommet de l’entreprise, au moment de faire le plan stratégique, pour décliner ensuite dans chacun des services.

Aurait-on besoin d’autant d’efforts de mobilisation interne s’il y avait suffisamment de convergence dans les messages communiqués en entreprise ? La réponse est non. Combien de fois ai-je vu des présidents — dont moi, probablement — lancer des messages percutants, sans fil conducteur et surtout, sans portée à long terme ! Si je comprends le branding et la vision de l’entreprise, je saurai comment les traduire pour les faire rayonner à travers la fonction que j’occupe. Si cet exercice n’a jamais été fait, bien fait et pour les bonnes raisons, il est clair que je me buterai à des obstacles de taille et qu’il y aura un manque de cohérence à l’intérieur de l’organisation.

« Si cet exercice n’a jamais été fait, bien fait et pour les bonnes raisons, il est clair que je me buterai à des obstacles de taille et qu’il y aura un manque de cohérence à l’intérieur de l’organisation. »

Les humains portent la marque et la marque est portée par les humains : la marque, c’est l’œuf ET la poule. Je vois la marque comme une signature autour de laquelle les humains convergent. C’est ce qui donne à l’entreprise sa cohérence et l’aligne vers le succès. Pour certains, ça peut sembler seulement symbolique, que du vent. Mais pour moi, ça fait appel aux valeurs, à l’émotion, ça ajoute du sens à ce qu’on fait quand on se lève le matin pour se rendre au travail.

Françoise Bertrand

* Françoise Bertrand est une personnalité éminente du monde des affaires québécois. Elle a été la première femme à diriger la Société de radiotélévision du Québec (devenue Télé-Québec en 1996), le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) et la Fédération des chambres de commerce du Québec. Aujourd’hui, Mme Bertrand agit comme administratrice de société (présidente du conseil de VIA Rail, vice-présidente du Conseil des gouverneurs de l'Université Concordia et administratrice chez Aurifères Osisko). En juin 2019, elle a été nommée fellow de l’Institut des administrateurs de sociétés (IAS).


Partager sur vos réseaux sociaux

Twitter LinkedIn Facebook